EN
ATTENDANT LE TRAIN …
(
Christiane jallat
(Chris)
Mai
2011
Arrivée en catastrophe…vite, je poinçonne mon
ticket : le train part dans deux minutes !
Mais dans le hall, beaucoup de monde attend,
les yeux rivés sur le panneau lumineux, le numéro du quai n’est pas
affiché !
Un charmant jeune homme m’invite à m’asseoir
près de lui :
-« vous allez à Cherbourg ?il n’y a
pas de train, une voiture est tombée d’un pont sur la voie et le trafic est
bloqué dans les deux sens, le train précédent n’est toujours pas arrivé et
personne ne sait combien de temps il faudra pour que tout redémarre ; »
Et voilà comment j’ai fait la connaissance de
Mathias.je vais vous raconter.
Grand, brun, charmant, lunettes en écailles,
étudiant.
D’emblée il m’a plu et l’échange était évident.
Pour patienter, on a
sorti nos gâteaux et barres de céréales de notre sac et avec un petit café (le
distributeur était face à nous) on a oublié le train, les horaires et la gare …
Mathias rentrait de Djibouti, ou son père
avait été muté pour quatre ans ; en général ils ne se voyaient qu’une fois par an, mais Mathias
pouvait maintenant décaler ses congés, et travailler de temps en temps pour
payer son billet d’avion, il souhaitait y aller au moins deux fois.
Il résidait à Cherbourg et terminait sa
dernière année à l’école de cinéma.
Ce qui l’ennuyait,
c’est que le lendemain, dès 8h, une épreuve l’attendait, obligatoire pour
l’examen de fin d’année, et s’il passait la nuit dans la gare, il ne serait pas
au top.
Plus le temps passait
et plus les annonces (avec une voix qui se voulait chaleureuse,) annonçait que les trains étaient bloqués et que,
malheureusement, nous serions contraints de passer la nuit dans la gare !
Ce qui nous amusa beaucoup ;
Mathias savait déjà ce qu’il allait faire et moi j’étais bien avec ce jeune
homme charmant qui avait plein de fantaisie dans ses grands yeux noisette.
Il avait plus d’une corde à son arc.
Dans son sac à dos, que je trouvais tout
petit, une multitude d’objets avait une
place bien définie, et puis… il y avait sa caméra.
On se resservit des
cafés et on goûta aussi aux sucreries de l’armoire en verre : les gâteaux
bio, le chocolat …
La fatigue venant, et
le train… toujours pas, …Mathias sortit un grand kilim, qu’il étala sur le sol …
et, comme par miracle, nous n’étions plus dans le hall de gare mais dans un
oasis du Sahara !
Avec sa caméra, qu’il
manipulait à l’envers, il mettait en place un décor de cinéma plus vrai que
nature : une palmeraie, des chameaux, des coussins dans une tente confortable.
Je pris place sur un sofa aux tons oranges et me retrouvais vêtue comme une princesse
des mille et une nuits. Il prépara le thé à la menthe…la nuit fut douce, étoilée.
Au fond du décor, des éoliennes, mais oui, des éoliennes découpaient des grosses tranches de nuages qui
venaient s’empiler tout autour de nous pour former un écran duveteux, qui nous
isolait du brouhaha de la gare.
Bientôt, le vent se
leva et des parfums de myrte et d’armoise nous envoutèrent.
Mathias souriait, ravi
de l’effet produit ; il prenait beaucoup de plaisir à fignoler le décor…je
ne voulais pas savoir comment il s’y prenait, j’étais sous le charme…
Une sonnerie bizarre
retentissait au loin de temps en temps ? Je n’avais aucune idée de ce que
ça pouvait être (mais à vrai dire, c’était mon portable, ma famille
s’inquiétait et moi, indifférente, je ne répondais pas ;)
Je ne voulais pas
interrompre ce doux rêve.
Les danseuses
arrivèrent couvertes de paillettes et le cliquetis de leur ‘ trémoussage ‘rajouta
au tableau une touche très sensuelle.
leur corps huilé, ondulant au rythme des tambourins, l’odeur de santal, le thé
à la menthe me firent voyager loin, loin…, je m’endormis profondément.
Dans la nuit je
m’éveillais, la tente avait disparu et Mathias tout contre moi, m’expliqua les
étoiles qui scintillaient de plus en plus fort.
Il pouvait adapter le
décor comme il voulait, il était magicien, c’était merveilleux.
Bientôt, on nous
apporta des mets délicats et parfumés : des boulettes d’agneau, des
tagines aux figues et abricots servis dans des grands plats, couleur soleil.
Assis en tailleur
autour de la petite table dressée pour le repas, nos regards en disaient long
sur ce moment de bien être ; on nous éventa avec de grandes palmes, sa
djellaba était bleu ciel, il était beau…Je ne savais plus l’âge que j’avais, ça
n’avait plus d’importance ; mon corps devenait gracile, souple, ondoyant
sous ses caresses chaudes et douces.
Ma tignasse rousse, frisée,
couvrait l’oreiller en soie ocre, mes reins se cambraient .mes ongles de pieds,
vernis rouge foncé, dansaient comme des petits lutins, le vent parfumé
soulevait les voiles d’organdi tendues autour du sofa.
L’extase sous les
étoiles ! (dans le hall de gare !)
-« Prochain
arrêt : Cherbourg, veillez à ne rien oublier ! »
Sur mes genoux, le
livre de Nasr Eddin Hodja, que l’on venait de m’offrir, dans un petit panier,
des dattes mûres à souhait, un pendentif en forme de palmier et mes mains
peintes au henné …une plénitude dans ma tête et dans mon corps.
Attendre le train n’est
pas forcement désagréable !
Voyagez, voyagez …
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